L’histoire d’un congrès qui n’a pas eu lieu : le XIVe Congrès international de sociologie, Bucarest (1939)
Zoltán ROSTÁS
Les Etudes Sociales. Sociologie et politique en Roumanie (1918-1948), nr. 153-154, 2011
Le lecteur a tout à fait le droit de se demander quelle importance peut avoir l’histoire d’un évènement qui a été d’abord ajourné et ensuite abandonné. Cette interrogation me semble quand même réductrice, car les préliminaires, la motivation et la préparation d’un évènement peuvent avoir des significations sociales parfois plus importantes que l’évènement même. Le XIVe Congrès International de Sociologie, prévu à Bucarest, pour une durée de presque deux semaines, à partir du 29 août 1939 – car c’est bien de cette rencontre qu’il s’agit – a été renvoyé à plus tard en raison du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, devant l’extension du conflit, on a totalement renoncé à son organisation.
Dans cet article, je me propose de suivre les démarches de l’École sociologique de Bucarest, dirigée par Dimitrie Gusti, pour marquer sa présence au sein du système international des sciences sociales. Je traiterai les premières tentatives de l’école et de son directeur de se faire remarquer dans la vie scientifique occidentale et d’« illustrer » cette présence à travers leur participation à des expositions internationales. La désignation de la capitale roumaine comme amphitryon du XIVe Congrès International de Sociologie et les préparatifs pour ce dernier seront donc amplement discutés ici, à côté de l’« inventaire » des matériaux et des aménagements expositionnels existants lorsqu’on décida de reporter la rencontre. La dernière partie de l’article retrace la transformation de l’évènement ajourné en une « arme » de légitimation de la sociologie alors que celle-ci est progressivement anhiilée durant la période d’instauration du régime stalinien en Roumanie.
Racines
Un congrès scientifique, au-delà de son contenu, est le couronnement d’une somme d’actions qui relèvent de l’organisation et de la politique de la discipline. Bien évidemment, il s’intègre dans un contexte social plus large et a des origines plus anciennes que la simple manifestation de l’intention de sa mise en œuvre. Ainsi, on peut repérer les possibles « racines » de l’organisation de ce congrès aux années 1910, quand Gusti, préoccupé par la modernisation de l’Université de Iassy, n’hésitait pas à présenter au milieu universitaire occidental ses démarches pour la réorganisation de la bibliothèque universitaire et pour la mise en place d’un séminaire de sociologie. Il ne se contentait donc pas de la réforme d’une structure universitaire ; il voulait aussi que des informations à ce sujet soient présentées dans des revues d’Allemagne, le pays où il avait passé une bonne partie de son propre parcours étudiant[1]. Á la fin de la Première Guerre Mondiale, Gusti estima aussi comme essentiel l’accès des membres de son École à la littérature scientifique mondiale, ainsi que la relance et la multiplication des contacts directs avec les scientifiques occidentaux ; il fonda donc, le 16 avril 1918, l’Association pour la Science et la Réforme Sociale[2]. Puis, il invita à Bucarest des membres de la communauté universitaire de France, d’Allemagne, et d’Angleterre, pour des conférences à l’Institut Social Roumain (ISR) créé en 1921 à la suite de la transformation de l’Association pour la Science et la Réforme Sociale et, à son tour, il les visita lors de diverses occasions scientifiques et politiques. Bref, il créa une véritable culture de l’intégration des démarches de sciences sociales roumaines dans la vie scientifique internationale.
Le fait que Célestin Bouglé, Eric Drumond, Guillaume Leonce Duprat, Edouard Lambert, Gaston Richard, Albert Thomas, Henry Gruchy (France), Werner Sombart, Ferdinand Tönnies, Leopold von Wiesse (Allemagne), William Smith Culbertson, James T. Shotwell (États-Unis) soient devenus au cours de la décennie 1920 des membres honoraires de l’ISR confirme cette volonté d’ouverture internationale[3]. A l’époque de ces échanges, Gusti débute, à partir de 1925, l’investigation intensive et systématique des villages selon la méthode originale de la monographie sociologique[4], qu’il cherche rapidement à valoriser auprès du milieu académique occidental, invitant des étudiants, des doctorants et des jeunes universitaires occidentaux à prendre connaissance de ces recherches.
Parallèlement au rapprochement avec les scientifiques de l’étranger, Gusti se soucie aussi de promouvoir son École sociologique dans la presse nationale. Afin de rompre sa relative indifférence à l’égard de ses enquêtes en milieu rural, il organise des évènements publics, que les journaux contemporains relatent à foison. Si l’on suit l’évolution de la fréquence des mentions dans la presse, on peut noter la croissance de cet indicateur : au début des années ’20 on discerne seulement des apparitions accidentelles, en 1932, on passe aux apparitions hebdomadaires, pour qu’enfin Gusti et ses institutions jouissent d’une présence journalière dans les pages de la presse écrite et à la radio en 1939. On note même crescendo pour les invités étrangers accueillis par Gusti à Bucarest.
Après la Première Guerre mondiale, alors que les contacts directs entre les scientifiques ont repris rapidement, les liens internationaux institutionnalisés n’ont pu être que laborieusement rétablis. La série de congrès internationaux organisés par l’Institut International de Sociologie ressuscite seulement en 1927, après une suspension de quinze ans. La reprise de ces manifestations représente pour Gusti une opportunité pour faire connaître sa sociologie. A son assistant universitaire, Gheorghe Vlădescu-Răcoasa, qui remplit aussi la charge de représentant de la Roumanie auprès de l’Organisation Mondiale du Travail, Gusti confie la tâche d’entretenir les liens avec l’Institut International de Sociologie[5].
Ainsi, en 1929, La Revue Internationale de Sociologie publie un article par Vlădescu-Răcoasa, intitulé La sociologie en Roumanie[6]. A partir de cette date, les sociologues roumains ne manquent aucune conférence internationale où l’on retrouve Gusti lui-même, mais aussi Xenia Costa-Foru, Henri H. Stahl, Gheorghe Vlădescu-Răcoasa etc. Pourtant, l’intérêt de Gusti ne se limite pas aux congrès qui, au-delà de leur importance professionnelle et intellectuelle, n’augmentent guère la visibilité de l’École dans la sphère publique. Il s’exerce bien davantage dans l’organisation d’expositions en Roumanie et la présence de pavillons roumains à des foires et expositions à l’étranger. Ainsi, des expositions ont lieu aussi bien dans les villages étudiés que dans la salle du Séminaire de sociologie à la Faculté de Lettres de Bucarest. Elles fournissent la base documentaire des pavillons roumains qui, d’ailleurs, reçurent plusieurs médailles. À l’aube des années ‘30, la capacité d’organisateur d’expositions de Gusti était déjà notoire[7].
Préliminaires
Les historiens des congrès de sociologie[8], peu nombreux d’ailleurs, rappellent tous que c’est au XIIIème congrès de Paris de 1937, tenu dans le cadre de l’Exposition universelle, que Bucarest fut désignée pour le congrès de 1939, ayant pour président Dimitrie Gusti. Malheureusement, ils ne donnent pas les justifications du choix du lieu et de l’organisateur[9]. Pourtant, il nous paraît important d’en restituer les raisons, puisque pour la première fois on décida que la rencontre des sociologues ait lieu dans un pays de l’Europe orientale, c’est-à-dire dans un environnement jugé plutôt comme un consommateur de science que comme un producteur de connaissances.
Tout d’abord, plusieurs professeurs occidentaux étaient au courant des recherches de l’École dirigée par Dimitrie Gusti, ainsi que de sa manière originale de mener une action sociale et culturelle dans le monde rural, à travers des équipes estudiantines. Cela était connu aussi bien grâce à la fréquence avec laquelle Gusti et ses élèves participaient aux rencontres internationales, qu’à la présence de chercheurs et chercheuses de Roumanie, avisés dans la sociologie monographique, en tant qu’étudiants et boursiers au sein des universités et des instituts de recherche de l’Europe occidentale[10]. Ensuite, vient la notoriété personnelle de Gusti : ministre de l’instruction entre 1932 et 1933, il était, de plus, directeur général, à partir de 1934, de la Fondation culturelle royale « Prince Charles ». Dans cette dernière fonction, il invita des sociologues marquants, qui présentèrent non seulement la conception originelle du travail culturel dans les villages, mais aussi les équipes qui mettaient en œuvre ses idées.
Ajoutons la reprise, en 1935-1936, des campagnes monographiques avec la participation des spécialistes étrangers, ainsi que la parution, en 1936, de la revue Sociologie românească et la transformation de la revue Arhiva pentru Ştiinţa şi Reforma Socială en publication officielle de l’Institut International de Sociologie, distribuée auprès de toutes les chaires de sciences sociales des universités occidentales. Enfin, le fait que le XIIIe Congrès eut lieu pendant l’Exposition universelle à Paris et que le pavillon roumain (dirigé par Dimitrie Gusti, en tant que commissaire général) avait été conçu de telle manière qu’il puisse révéler, entre autres ,la capacité de recherche monographique de l’École, a certainement contribué au choix de la capitale roumaine comme lieu de la prochaine rencontre.
Les étapes dans l’organisation du congrès
Le lancement officiel des invitations se passa à Bucarest. René Maunier, professeur à l’Université de Paris, président de l’Institut International de Sociologie, s’y trouvait pour l’occasion. Voici le texte de l’invitation qui montre, avec les documents attachés, le niveau considérable de professionnalisme dans l’organisation de manifestations scientifiques dont l’équipe de Gusti était capable:
« Cher Monsieur Collègue,
Nous avons l’honneur de porter à Votre connaissance le fait que le XIVe Congrès International de Sociologie aura lieu à Bucarest, entre le 29 août et le 14 septembre 1939.
Ce Congrès, qui jouit de la Haute Présidence Honorifique de Sa Majesté le Roi Charles II, sera organisé par l’Institut roumain d’investigations sociales.
Au nom du bureau de l’Institut International de Sociologie et de l’Institut roumain d’investigations sociales, nous Vous prions de daigner de Votre présence le Congrès de Bucarest.
Votre apport aux débats autour des thèmes VILLAGE et VILLE, la typologie des unités sociales, l’enseignement de la sociologie et l’organisation des investigations sociologiques sera parmi les plus appréciés.
Nous prenons la liberté de Vous envoyer, ci-joint, le programme du Congrès et les informations préliminaires. L’Institut roumain d’investigations sociales sera ravi de Vous fournir tout détail supplémentaire que Vous considériez nécessaire.
Nous comptons sur Votre contribution scientifique aux travaux du Congrès.
Surs de pouvoir recueillir Votre adhésion au plus tôt possible, nous Vous prions de recevoir, cher et estimé Collègue, nos salutations les plus cordiales »[11].
La définition très large – « Village et Ville » – de la thématique du congrès a ouvert la voie à la participation de nombreux sociologues et spécialistes des domaines connexes. Mentionnons que les invitations n’ont pas été envoyées uniquement aux 100 membres pléniers et aux 200 membres associés de l’Institut International de Sociologie, mais aussi à presque 2 000 spécialistes qui s’étaient distingués dans ce domaine. Pour l’organisation du congrès on constitua un appareil complexe, dont on remarqua l’apport de Cristina Galitzi-Brătescu, docteur en sociologie aux États Unis, collaboratrice assidue de l’Arhiva pentru Ştiinţa şi Reforma Socială, participante au mouvement féministe en Roumanie. A la lettre d’invitation était joint le programme de la réunion :
Mardi, le 29 août 1939. Après-midi. Séance d’ouverture.
Mercredi, le 30 août 1939. Matinée. Village et Ville I. La définition théorique. Les notions sociologiques de village et de ville : genèse, types de structure, sousunités, relations et interactions, processus, tendances. Après-midi. Discussion : Types d’unités sociales. L’état actuel des conceptions et des recherches sociologiques sur les types d’unités sociales (famille, tranches d’age et de sexe, classe, parti, confession, nation et autres).
Jeudi, le 31 août 1939. Matinée. Village et Ville II. Méthode. Méthodes sociologiques pour l’étude du village et de la ville : géographique, biologique, anthropologique, ethnologique, démographique, historique, psychologique, ethnographique, économique, juridique, politique, statistique, comparative, phénoménologique, folklore, enquête, survey, monographie sociologique etc. Après-midi. Discussion : L’enseignement de la sociologie et des sciences sociales : instituts d’enseignement sociologique, facultés de sciences sociales etc.
Vendredi, le 1er septembre 1939. Matinée. Village et Ville III. La fonction pratique de la recherche. La contribution des investigations sociologiques à l’organisation et à l’amélioration du village et de la ville : la politique sociale, la hausse du niveau de vie, le service social, la planification, urbanisme et ruralisme etc. Après-midi. Discussion : Organisation des investigations sociales. L’organisation et le rôle des investigations sociales (Instituts, fondations et chercheurs libres).
Samedi, le 2e septembre 1939. Matinée. Séance administrative. Séance de clôture.
L’après-midi. Visite du Musée du Village et de l’Exposition sociologique.
Dimanche, le 4e septembre 1939, jusqu’à mardi, le 13e septembre 1939. Excursion pour connaître l’œuvre pratique et d’investigation des Équipes, dans des villages de : Valachie, Bessarabie, Moldavie, Bucovine, Transylvanie, Banat, Dobroudja.”[12]
Les possibilités offertes de thèmes et de discussions nous donne l’image d’une perspective interdisciplinaire, promise par la sociologie monographique de Dimitrie Gusti. La nouvelle tendance au développement du travail social (social work), qui se diffusait très rapidement de la Roumanie aux États-Unis et retour, a trouvé également un cadre d’éclosion. De plus, au niveau de l’organisation des discussions scientifiques, on a aussi essayé de faciliter la communication (en rapport avec les réunions scientifiques antérieures) par l’impression préalable des contributions. Enfin, les subventions pour le transport et pour le logement des participants ont été beaucoup plus généreuses que dans le cas d’autres congrès. Les facilités de transport, nationales et internationales, de logement, d’excursions pour les invités, préconisées à la fin de 1937, sont sans précédent dans l’histoire des conférences internationales organisées dans la Roumanie d’entre-deux guerres, signe de l’influence de Gusti dans l’élite politique et administrative de son pays.
Les détails de l’organisation, à la suite de la lettre d’invitation, sont difficiles à reconstituer, car les démantèlements du Service social et de l’Institut roumain d’investigations sociales eurent pour conséquence la dispersion de l’archive du congrès, tandis que tout ce qui restait à la Fondation et au siège de l’ancien Institut Social Roumain après l’instauration en 1948 du régime socialiste a été détruit, avec la documentation liée à l’École gustienne[13]. Les rares œuvres mémorialistes, la correspondance qui nous a été transmise, les enregistrements d’histoire orale et les brèves signaux de la presse nous enseignent cependant qu’à travers les travaux originels et les communications des jeunes monographistes, Gusti a voulu démontrer la légitimité de sa sociologie et l’originalité et l’efficience de la méthodologie du travail culturel dans les villages. Voici la raison pour laquelle il a mis l’accent sur la mobilisation de ses jeunes collaborateurs en vue du Congrès. A l’égard des intentions de Gusti la lettre adressée à Philip Mosely – sociologue américain intéressé par l’Europe de l’Est et l’Union Soviétique – est significative. Il s’y réfère aux recherches entamées en 1938 en visant de nouveau travaux de nature à renforcer au Congrès la position de l’École roumaine de la monographie :
« Nous travaillons cet été avec quatre Equipes de recherche. Stahl complète avec un group le matériel de Nereju en vue de la publication de la monographie du village pour le Congrès International de Sociologie, qui aura lieu à Bucarest. Herseni fait la même opération à Drăguş. L’Institut Social Régional de Banat étudie un village dont la population travaille dans des fonderies. L’Institut Social Régional de la Bessarabie, par contre, étudie un village tout à fait agricole du Département de Soroca. Les Equipes d’action achèvent elles aussi certaines recherches (recensement économique et démographique, des enquêtes sur les exploitations rurales, sur le morcellement des terres, sur l’alimentation et sur l’analphabétisme), qui sont coordonnées en vue d’une présentation comparative par Golopenţia, que vous connaîtrez à cette occasion. »[14]
Deux ans auraient été suffisants afin de préparer ce congrès, mais les évènements internes et internationaux ont modifié considérablement –pas nécessairement dans un sens négatif– les intentions des organisateurs. Suite aux élections de décembre 1937 et des pressions croissantes des forces d’extrême droite, Charles II suspend la Constitution, dissout le Parlement et institue une dictature personnelle. Dans ces conditions, la Fondation culturelle royale dirigée par le professeur Gusti se voit attribuer des tâches supplémentaires, car, parallèlement à la répression violente du mouvement légionnaire, Charles II veut capter à travers la Fondation une jeunesse universitaire largement influencée par l’extrême droite. Pour ceci, il fait passer la Loi du service social qui introduit l’obligation d’effectuer du travail culturel dans les villages pour tous les diplômés des universités et des écoles supérieures[15].
Malgré ces convulsions, au 15 décembre 1938 ont déjà été envoyées 1 917 invitations, dont 299 aux Etats-Unis, 202 en Roumanie, 65 en Italie, 50 en France, 43 en Belgique, 35 en Suisse, 27 en Allemagne, 27 en Pologne, 17 en Hongrie, 16 en Yougoslavie, 16 en Tchécoslovaquie, 12 en Bulgarie, 5 en Grèce. En retour, on dénombre 71 adhésions, 63 résumés des communications et 70 inscriptions à l’excursion organisée afin de présenter l’activité des équipes[16]. En qualité de ministre d’État et de président du Service social, Gusti eut à sa disposition des fonds encore plus consistants et augmenta le nombre de ses collaborateurs. Congrès organisé sous le haut patronage du roi Charles II, tous ces préparatifs servaient aussi, implicitement, à la propagande de la maison royale, aussi bien dans le pays, qu’à l’étranger. Rendu attractif grâce aux fonds mis à sa disposition, le congrès suscita de nombreuses adhésions ; cela est attesté par le tableau annexé à cet article, qui reflète la situation de mars 1939. La seule répercussion négative et immédiate de l’introduction de la Loi du service social consistait dans la surmobilisation d’anciens collaborateurs de Gusti qui rendait plus difficile, de fait, l’élaboration des communications des Roumains. Un cas – peut-être pas le plus important, mais typique – est illustré par le sociologue Gheorghe Focşa, collaborateur de Gusti à la Fondation, dans un enregistrement d’histoire orale des années ‘80 :
« La Fondation m’a chargé d’un travail un peu plus spécial, plus dur : la construction d’un village modèle en Olténie, à Dioşti-Romanaţi. Là il y avait eu un incendie, pendant une tempête. Le feu a éclaté à cause d’un jeu d’enfants avec des allumettes dans une grange pleine de paille et de tiges de maïs. Au milieu d’un orage. De nombreuses ménages et fermes furent entièrement consommées, une soixantaine, d’un but à l’autre du village, de l’est à l’ouest. Et avec l’alarme qu’on entendit partout, le roi même[17] y est venu : il a offert une première aide aux sinistrés. Le jour d’après ou le troisième jour, il était déjà là ; il arriva en voiture. Et il a donné le quart d’un million, on m’a dit, comme aide aux paysans, pour compenser les dégâts, mais aussi pour se faire de la publicité.
Quand il est venu à Bucarest, il a appelé le professeur Gusti, qui était le directeur de la Fondation à l’époque, et il lui dit : „Vous devez me produire un village modèle à Dioşti”. Cela coïncidait avec une idée déjà prévue dans le cadre de l’École bien avant ce moment, mais ce n’était qu’un mot imprécis, ou bien défini de manière doctrinale, sans correspondant dans la pratique. Et le Professeur (…) m’a dit: „Vas donc à Dioşti, restes-y pendant deux ou trois jours, autant que tu veux et que cela le nécessite, tu étudies la possibilité d’y faire un village modèle, tu reviendras et tu me feras un rapport”. J’y suis allé, j’ai rassemblé la communauté entière autour de moi, j’ai parlé avec eux, j’ai reçu une réponse enthousiaste, j’ai pris des notes, je suis revenu et j’ai fait un rapport, que j’ai tapé sur une vingtaine de pages et que je lui ai délivré. Le Professeur l’a lu et ensuite il m’appelle, il fit : „Maintenant vas-y et construis-le”. (…)
Je suis parti pour Dioşti, le printemps de 1938. Et j’ai finalisé mon plan, je suis rentré. (…) Le travail a commencé. On a connecté la voie principale avec une nouvelle allée, qui menait au centre de l’ancien village. Deux kilomètres. Et là il y avait une réserve pour planter des arbres fructifères greffés, qui s’étendait jusqu’au nouveau village, et ensuite les ménages des 60 sinistrés, à droite, à gauche, et puis le centre civique, avec sept édifices publics. Pendant une année, et encore une, jusqu’à l’automne de ‘39, j’y ai vécu, faisant des allers-retours à Bucarest.
Une fois je reçois trois télégrammes, le même jour. L’un d’entre eux m’appelait à Făgăraş, signée par Traian Herseni qui était responsable de la coordination des travaux pour le Congrès de sociologie avec la monographie de Drăguş. Je devais contribuer à cela, et j’avais aussi la responsabilité du cadre psychologique dans l’Institut. Mais moi, je bâtissais un village modèle à Dioşti. (…) Le Professeur m’ordonne : „Tu quittes le chantier, et tu vas à Făgăraş, et tu me rédiges les textes pour le Congrès, ta partie pour le Congrès. Non, non… Il n’a pas proposé l’abandon… Tu rédiges donc à Dioşti, et tu me donnes les textes. Mais je dis, „Comment ? Avec mille cinq cent personnes autour de moi, avec un chantier, sans être spécialiste, avec une armée de gens, avec 20 camions qui transportent chaque jour des matériaux, que je reste là à rédiger. Puis-je faire cela ?” „Ça ne m’intéresse pas du tout, tu t’enfermes dans une maison de celles que tu as déjà bâties, tu restes là et tu écris.” „Et qui supervise donc le chantier ?” Ensuite, je suis rentré. J’ai reçu de la part de Gusti la deuxième lettre : „Laisse le chantier à la charge du chef de section, va où tu veux, restes et écris-moi les textes ”. (…) Dix jours seulement s’écoulent, et je reçois les télégrammes pour venir à Bucarest sans délai. À Făgăraş je ne suis plus allé, cela aurait été impossible. Cette fois-ci, le Professeur Gusti me dit: „Tu rentres à Dioşti – le chantier n’avance pas comme il faut – et il faut achever les travaux au village modèle pour le Congrès”. Je reviens, j’en reprends les brides, et je déclenche la campagne. (…) Jusqu’à la mobilisation pour la guerre. »[18]
S’occuper des invités n’était pas plus facile. Si Gusti et son école monographique servaient de propagande au roi Charles II, les délégations étrangères n’ignoraient pas, elles non plus, les intérêts politiques de leurs gouvernements. A cet égard, la délégation allemande, chargée de la mission de démontrer la « supériorité » de la nouvelle sociologie de type nazi, dépassait toute mesure. Alors qu’ils avaient boycotté les congrès précédents de Bruxelles et de Paris, les Allemands s’annonçaient nombreux, dans l’intention d’imposer les thèses nazies sur la paysannerie et sur le village. Dans une étude consacrée aux relations franco-allemandes dans le domaine des sciences sociales, l’historien allemand Peter Schöttler remarque que :
« Gusti, percevant l’engagement particulier des Allemands et craignant par conséquent leur hégémonie dans les sections consacrées au monde rural, fit jouer ses contacts pour trouver des intervenants occidentaux qui pouvaient faire opposition aux contributions nazies. C’est probablement à travers Henri Berr, qui venait de le faire élire, en janvier 1939, au conseil d’administration du Centre international de synthèse, que Gusti entra alors en contact avec Marc Bloch. (…) Comme, par ailleurs, il avait vécu en Allemagne et parlait l’allemand, c’était certainement un des meilleurs, sinon le meilleur candidat pour porter l’opposition aux sociologues – historiens germaniques qui connaissaient d’ailleurs son travail à travers les nombreux comptes rendus que les Caractères originaux avaient suscités dans les revues d’outre-Rhin »[19].
On peut se demander pourquoi Gusti considérait opportun ce contrepoids incarné par Marc Bloch ? Faute de documents explicatifs, nous ne pouvons pas fonder notre explication autrement que sur les différences significatives entre la conception sociologique monographique et celle nazie de Günther Ipsen. Cette dernière était très proche à la vision du Mouvement légionnaire sur le village. Puisque Gusti a souhaité que la consécration de la sociologie monographique se produise dans ce contexte (et il avait toutes les raisons de penser qu’il allait réussir[20]), il a voulu éviter le conflit idéologique avec les sociologues allemands, car, dans la compétition silencieuse avec la Légion, il fallait éviter la critique directe de leur idéologie. Or, une confrontation directe avec Ipsen et avec ses collaborateurs de la délégation allemande aurait été perçue comme une attaque – même indirecte – contre la Légion. En échange, l’autorité scientifique et la notoriété mondiale de Marc Bloch et son opposition à l’idéologie nazie auraient suffi – étant donnée l’énorme écart entre les conceptions de Bloch et d’Ipsen à propos du village –, pour que la véhémence nazie se concentre sur le représentant d’un pays qui se trouvait de toute façon en conflit avec l’Allemagne.
Inventaire
Douze jours avant l’ouverture prévue, sous la pression des évènements internationaux, et à la suite d’une conversation téléphonique entre Gusti et Maunier, le congrès fut reporté. A cette date, quel était l’état des communications ? Si on n’a pas trace de leur inventaire, on peut cependant le reconstituer sur la base de la communication faite par Gusti en 1948 :
« Parmi ces communications provenant de l’étranger, 64 ont été imprimées et réunis en 5 volumes intitulés Les travaux du quatorzième Congrès International de Sociologie, 11 études se trouvent en épreuves d’imprimerie et 32 en manuscrit.
Selon le programme du congrès, il y a cinq volumes imprimés, contenant les mémoires avancées par les sociologues de l’étranger :
1 volume intitulé Unités sociales, comprenant 14 communications ;
2 volumes intitulés Le village, comprenant 23 communications ;
1 volume intitulé La ville, comprenant 10 communications et
1 volume intitulé Le village et la ville, comprenant 16 communications.
À ces volumes il faut ajouter les travaux qui se trouvent en épreuves d’imprimerie ou en manuscrit :
11 études sur les unités sociales, ce qui ferait un autre volume d’impression ;
7 études sur le village, donc un autre volume ;
2 études sur la ville – et
4 études sur le village et la ville, qui ensemble pourraient former un autre volume ;
9 études sur Les investigations et L’enseignement sociologique, un autre volume.
Les travaux du congrès se présentent donc ainsi :
4 volumes imprimés et
4 volumes en manuscrit[21].
Tous les mérites de la publication des volumes du congrès appartiennent à M. Anton Golopenţia, ancien assistant universitaire qui maintenant est le directeur général de l’Institut Central de Statistique »[22].
Quelle est la signification de ces chiffres ? D’abord, le nombre des communications déjà imprimées, et qui donc pouvaient être consultées avant les débats, a été trois, même quatre fois plus grand que lors des congrès précédents. Une autre nouveauté est le grand nombre de communications roumaines. À part les préparatifs concernant la gestion des communications envoyées, les organisateurs ont introduit aussi des innovations par rapport aux congrès précédents : on a inauguré des expositions internationales de livres de sociologie, de bibliographies et de documents des congrès précédents. Un autre type d’exposition a été montée dans quatre salles pour présenter des pièces d’art populaire, accompagnées par les explications scientifiques nécessaires et par la méthodologie de recherche les concernant. Dans les mêmes salles on a exposé des matériaux illustratifs des campagnes monographiques effectuées à partir de 1925, dans les diverses régions de la Roumanie. Une des expositions préparées ne se trouvait pas à Bucarest, mais dans la ville de Făgăraş, et présentait les résultats des investigations de la région du pays de l’Olt. Pourtant, la destination la plus fascinante entre les excursions prévues et organisées fut le village de Dioşti du sud de la Valachie, qu’on a déjà cité, où les participants au congrès auraient pu voir le village modèle projeté dans le cadre de la Fondation culturelle royale « Prince Charles »[23].
Loin de toute histoire contrefactuelle, nous avons aujourd’hui la possibilité et l’obligation d’étudier les communications rassemblées dans les cinq volumes des Travaux du quatorzième Congrès International de Sociologie, pour comprendre l’état des sciences sociales à l’aube d’une nouvelle guerre mondiale.
L’ajournement
L’ajournement d’un congrès est une opération difficile en soi ; cette fois-ci, les organisateurs devaient inclure dans leur message, en contrepoint d’une mauvaise nouvelle, l’espoir d’une proche reprogrammation. On expédia près de 200 télégrammes et presque 500 circulaires pour notifier aux invités l’ajournement. Gusti a voulu, de plus, enrichir « l’offre » du futur événement par l’impression des communications arrivées entre temps. Le déclenchement de la guerre le 1er septembre 1939, avec l’offensive contre la Pologne lancée par l’Allemagne, a ralenti cette tentative. La plupart des sociologues roumains ont été mobilisés auprès de leurs unités militaires comme réservistes. Parallèlement aux préparatifs pour la guerre, les fonds attribués à la Fondation et au Service Social diminuèrent gravement. Simultanément au début des hostilités, l’activité de l’extrème droite roumaine s’est intensifiée, pour culminer avec l’assassinat du premier ministre Armand Călinescu, en septembre 1939. Comme représailles, Charles II a ordonné l’exécution de centaines de légionnaires arrêtés. Dans cette atmosphère eut lieu aussi la suspension, le 13 octobre 1939, de la Loi du service social, et peu après, le démantèlement de l’institution du Service social et le transfert du personnel vers d’autres institutions de l’État. Malgré cette déconstruction institutionnelle, Gusti, sous le patronage d’un nouvel Institut roumain des sciences sociales, dont le poids était plus symbolique que réel, a continué à défendre l’idée du congrès. Son discours du 19 janvier 1940 devant l’Académie Roumaine témoigne du sérieux avec lequel Gusti envisageait la reprogrammation du congrès :
« L’intérêt des chercheurs étrangers pour ces efforts s’est manifesté à travers la décision prise par l’Institut International de Sociologie que le XIVe Congrès International de Sociologie aie lieu dans notre Capitale, sous ma présidence »[24].
Grâce à cet optimisme robuste sont parus : l’œuvre monumentale de Henri H. Stahl, Nerej, un village roumain archaïque, publiée en français, les volumes 60 de sate româneşti (= 60 villages roumaines) par Anton Golopenţia et D.C. Georgescu, deux autres volumes des Travaux du quatorzième Congrès International de Sociologie, ainsi qu’une brochure avec les communications des participants roumains.
Une remémoration
Si, après la guerre, le 16 avril 1948, devant l’Académie roumaine dont il est le président, Gusti rappelle obstinément l’objectif d’un «XIVe Congrès international de sociologie à Bucarest », aucune date n’est retenue pour sa tenue. Cette séance a lieu trois mois et demi après l’abolition de la monarchie, l’éloignement du roi Michel I et la proclamation de la République Populaire Roumaine. À partir de cette date s’accélère l’installation d’un régime de type stalinien par l’annihilation de l’opposition, par l’inclusion dans le Parti communiste de petits partis – satellites (le PC devint ainsi le Parti ouvrier roumain), puis par des vagues d’arrestations. Dans ce contexte qu’accompagnent la suspension de la majorité de la presse libre et le dénigrement continuel de l’Académie roumaine par la presse communiste, Gusti – encore président de l’Académie – reviendra à la charge à l’occasion du 55ème anniversaire de la fondation de l’Institut international de sociologie. En pure perte…
Ce fut la dernière tentative publique de légitimer la discipline en invoquant le congrès programmé pour 1939 et en soulignant le nombre considérable des sociologues inscrits à ces travaux. Cette communication apporte d’importantes informations en ce qui concerne les relations de Gusti avec les scientifiques français :
« Mais ce qui troublait et faisait frémir est, surtout, disait Gusti, le sort de deux grands savants qui non seulement avaient manifesté leur adhésion de participer, mais qui en plus avaient exprimé dans plusieurs lettres leur intérêt spécial pour le congrès et qui s’étaient manifestés à travers deux mémoires remarquables envoyés et publiés.
L’illustre et éminent historien et sociologue Marc Bloch,
professeur à la Sorbonne et un des directeurs de l’importante revue Annales d’Histoire Sociale, a présenté ses excuses, par la lettre du 22 juin 1939, qu’il n’avait pas pu envoyer à temps le texte de sa communication à cause de « cette lourde atmosphère européenne, qui n’est pas des plus favorables à l’effort intellectuel ».
Dans une autre lettre du 15 juillet 1939, Marc Bloch a exprimé son inquiétude que, « dû à la grande volatilité de la situation européenne », il pourrait en tout moment être appelé aux armes, en qualité d’officier en réserve, et d’ailleurs, ajoutait-il, pour les mêmes raisons, Madame, sa femme, ne pourrait pas s’éloigner des enfants. Pourtant, si grand était son désir de venir au congrès, qu’il a quand même demandé qu’on lui réserve la chambre pour lui et pour sa femme.
De la lecture de la correspondance du professeur Marc Bloch émane le pressentiment des jours qui viendront.
Le professeur Marc Bloch, le meilleur expert de la vie rurale française, chef d’un parti de la résistance dans la région lyonnaise, a été arrêté en 1944 ; il fut fusillé le 16 juin 1944.
Le collègue et ami du professeur Marc Bloch, Maurice Halbwachs, un des plus importants membres de l’école durkheimienne, professeur de sociologie à la Sorbonne, a réservé à son tour une chambre pour lui et pour son fils Pierre Halbwachs, déclarant qu’il veut sans faute participer aux travaux du Congrès de Bucarest, surtout puisque, comme il avait écrit déjà le 22 décembre 1938, il voudrait représenter aussi son ancien collègue Fauconnet, le successeur de Durkheim à la chaire de sociologie de la Sorbonne, qui avant sa mort avait manifesté le désir de venir à Bucarest.
Maurice Halbwachs nous a envoyé parmi les premiers sa précieuse collaboration Sur la morphologie des villes.
Malheureusement, Maurice Halbwachs a partagé lui aussi le destin de Marc Bloch.
Maurice Halbwachs a été le gendre de Victor Basch, professeur honoraire d’esthétique et d’histoire des arts de Sorbonne et président de la Ligue pour les droits de l’homme, massacré sauvagement, avec sa femme, tous les deux octogénaires, aux alentours de Lyon, en janvier 1944.
Le mois de juillet de la même année, Maurice Halbwachs a été arrêté lui aussi à Paris, et en février 1945 il est mort dans la fameuse localité de Buchenwald, suite à l’épuisement et au misérable traitement.
Au nom des 208 participants au Congrès de Bucarest, provenant de 36 pays, nous portons notre hommage à la mémoire des glorieuses figures, victimes de la dégradante sauvagerie nazie et martyres de la résistance universitaire française, aux grands noms de la science sociale, Marc Bloch et Maurice Halbwachs »[25].
Cette évocation de la mémoire des deux savants français, trois années après leur martyr a été prononcée derrière le « rideau de fer », dans une capitale désormais isolée où Gusti avait attendu, en 1939, les participants au Congrès. On subodorre que, mise à part sa véritable compassion, Gusti voulait souligner qu’il défendait les mêmes valeurs que Bloch. Parallèlement, en invoquant les bonnes relations établies après la guerre avec le savant soviétique P. Bogatiriev, Gusti plaidait pour la justesse, même dans les conditions d’après la guerre, de sa sociologie ancrée dans la réalité sociale et reconnue au niveau européen.
En faisant de références élogieuses au système institutionnalisé de recherche de « la vie sociale et folklorique des peuples », Gusti estimait que l’Institut International de Sociologie devrait fonctionner « sur des bases fédéralistes, c’est à dire de devenir la Fédération des Associations et des Instituts Nationaux de Sociologie du monde », en ajoutant que « cette importante proposition constituait un point principal sur l’ordre du jour du Congrès de Bucarest ». Une fois atteinte cette transformation de l’organisation internationale de la sociologie, Gusti ajoute – en suggérant un équilibre entre l’Ouest et l’Est, que
« les savants soviétiques ne pourraient pas s’absenter de l’Organisation Internationale de la Sociologie, donc ils ne pourraient manquer des Congrès organisés par celle-là »[26].
Sans abandonner sa conception développée dans les années 1930 au sein de l’Académie – en déclarant : « Je n’ai rien à changer dans les exposés que j’ai faits » –, Gusti exprima sa foi dans le destin positif de la sociologie. Deux mois après, l’Académie allait être « reconstruite » et transformée en Académie de la République Populaire Roumaine – où il n’y aurait plus aucune place pour Gusti ; en plus, la sociologie fut retirée du plan d’enseignement universitaire, et même que de la classification des sciences.
Le Congrès revient même dans les dernières notes que Gusti a laissées, datées de 1955, l’année de sa mort. Conscient de sa grave maladie, il remercie tous ceux qui l’avaient appuyé et apprécié le long de sa carrière. La liste s’achève avec Corrado Gini, le président du premier congrès international de sociologie d’après la Deuxième Guerre mondiale, celui tenu en 1949 ; Gusti le remercie pour l’invitation que, bien évidemment, il n’avait pas pu honorer[27].
Conclusion
Préparé minutieusement, le XIVe Congrès International de Sociologie programmé pour 1939 aurait consacré la monographie sociologique gustienne en tant que méthode originale pour l’investigation de la réalité sociale. Son ajournement a privé les organisateurs de cette satisfaction. Cependant, l’existence des communications initialement prévues, leur impression même, constituent une trace -encore insuffisamment exploitée par les historiens- de la sociologie – du moment 1939 de la sociologie et des sciences sociales en général. Concluons avec Gusti que, bien qu’il n’ait pas eu lieu, le congrès s’est quand même tenu.
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[1] Voir, par exemple, l’article « Ein Seminar für Soziologie, Politik und Ethik an der Universität Iassy. Ein Beitrag zur Universitätspädagogik », Vierteljahrsschrift für wissenschaftliche Philosophie und Sociologie, 1912/10
[2] Voir « Apelul făcut în aprilie 1918, cu prilejul întemeierii Asociaţiei pentru Studiul şi Reforma Socială » (= « L’appel lancé en avril 1918, à l’occasion de la fondation de l’Association pour l’Étude et la Réforme Sociale), Arhiva pentru Ştiinţa şi Reforma Socială (= L’Archive pour la Science et la Réforme Sociale), an I, no. 1, le 1er avril 1919, pp. 291-293.
[3] Arhiva pentru Ştiinţa şi Reforma Socială, an VIII, no. 4/1929
[4] Voir la section : « Navettisme entre le village et l’amphithéâtre », in Zoltán ROSTÁS, « Dimitrie Gusti – le sociologue mené par la passion d’organiser la société », dans cette revue
[5] Du à ce fait, plusieurs articles sur l’Institut International de Sociologie et ses conférences sont parus dans la presse quotidienne, aussi que dans l’Arhiva pentru Ştiinţa şi Reforma Socială.
[6] Gheorghe VLĂDESCU-RĂCOASA, « La sociologie en Roumanie », Revue Internationale de Sociologie, no. 1-2, 1929
[7] Zoltán ROSTÁS, « Strategii de comunicare la Şcoala sociologică a lui Dimitrie Gusti. Direcţii de cercetare » (= « Stratégies de communication à l’École sociologique de Dimitrie Gusti. Directions de recherche »), Jurnalism şi Comunicare (= Journalisme et communication), an II, no. 2, printemps 2003.
[8] Parmi lesquels, citons Antoine Savoye, “La consécration manquée de la sociologie empirique: le congrès de l’Institut international de sociologie, Bucarest 1939”, Les Etudes sociales, n° 121, 1993, p. 13-23.
[9] Peter Schöttler, par exemple.
[10] Voir Zoltán Rostás, « Dimitrie Gusti, un sociologue animé par la passion d’organiser la société », dans cette revue.
[11] Sociologie românească (= Sociologie roumaine), an III, no. 7-9, juillet – septembre 1938, p. 410.
[12] Ibidem.
[13] Pour plus de détails, voire la section « La tentation de l’ingénierie sociale », in Zoltán ROSTÁS, « Dimitrie Gusti – le sociologue mené par la passion d’organiser la société », dans cette revue
[14] L’Archive Nationale Historique, FCR Central, Dossier 9/1938 Fascicule 34
[15] Pour plus de détails, voire Z. Rostás, Atelier gustian. O abordare organizaţională (= L’atelier de Gusti. Une approche organisationnelle), Bucarest, Éditions Tritonic, 2005, pp. 41-54.
[16] Sociologie românească, an III, no. 10-12, octobre-décembre 1938, p. 603. En l’absence de documents, nous ne pouvons que supposer que le fait de ne pas avoir envoyé des invitations en Union Soviétique avait d’irréductibles raisons idéologiques.
[17] Roi Charles II.
[18] Entretien avec Gheorghe Focşa, in Z. Rostás, Strada Latină no. 8 (= Rue Latine no. 8), Bucarest, Éditions Curtea Veche, à paraître.
[19] « Marc Bloch et le XIVe Congrès international de sociologie, Bucarest, août 1939 », Genèses, n° 21, décembre 1995, p. 147.
[20] Voir Bernard KALAORA et Antoine SAVOYE, « La mutation du mouvement leplaysien », Revue française de sociologie, XXVI, 1985, pp. 257-276.
[21] En effet, trois tomes sont parus dans l’intervalle pour lequel avait été programmé le Congrès et deux autres ont été imprimés dans le printemps de 1940.
[22] Dimitrie GUSTI, Opere (= Œuvres), Academia RSR, Bucarest, 1970, p. 103.
[23] D. GUSTI, Opere, op. cit., pp. 102-106.
[24] D. GUSTI, « Consideraţii asupra unui sistem de sociologie, etică şi politică. Comunicare făcută în şedinţa de la 19 ianuarie 1940 » (= « Considérations sur un système de sociologie, éthique et politique. Communication présentée dans la séance de 19 janvier 1940 »), in Memoriile Secţiunii Istorice (Les mémoires de la section historique), Academia Română (Académie Roumaine), série III, tom. XXII, mém. 21.
[25] D. GUSTI, Opere, op. cit., pp. 100-101.
[26] Ibidem
[27] IDEM, « Consideraţii… », art. cit.
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