Foto din campania Nerej. Sursa: jurnalul.ro
Stahl H.H. — Nerej. Un village d’une région archaïque
Biblioteca de sociologie etica si politica, directeur O. Gusti.
3 vol. 17×24,5, 425 p., 322 p., 402 p. Institut de Sciences Sociales
de Roumanie. Bucarest 1939.
Mattei Dogan
In: Population, 2e année, n°3, 1947 pp. 601-604.
Caché dans les montagnes de la courbure des Carpathes, dans une des régions les plus spécifiquement forestières, le village de Nerej a été à l’abri de l’influence de la civilisation capitaliste et a conservé des formes de vie sociale archaïque, d’un intérêt sociologique particulier.
Dans la série des campagnes monographiques du Séminaire de sociologie de l’Université de Bucarest, le village de Nerej a été enquêté à deux reprises pendant l’été de l’année 1927 et en 1938. La méthode de recherche a été celle de la monographie sociologique préconisée par le professeur D. Gusti :
«Tout complexe de phénomènes sociaux, appartenant à une seule unité sociale, a sa strucure, répondant aux lignes de force de plusieurs ordres de faits que nous avons nommés «manifestations spirituelles, économiques, juridiques et politiques et qui à leur tour subissent l’influence des facteurs d’une série de cadres: cosmologique, biologique, historique et psychique.>>
Passons sur les divers chapitres: la lutte entre l’homme et la nature, le travail de la terre, l’exploitation des prés naturels, l’élevage du bétail, l’exploitation et le code de la forêt, les budgets paysans, les formes de partage des monts, de forêts entre les divers villages, l’alimentation, l’habitation, la médecine populaire, les traditions et les coutumes séculaires, etc., pour souligner le problème de la genèse des villages de razesi qui présente un important aspect démographique et qu’on ne doit pas confondre avec le mir russe ou la zadrouga serbe.
Jusqu’à l’abolition du servage en 1864. les paysans de Roumanie étaient partagés en deux catégories distinctes: l’une, celle des razesi, c’est-à-dire propriétaires libres vivant sur leurs propres terres; l’autre, celle des serfs, vivant sur les domaines des boyards. Le village de Nerej, est un village de razesi. Il fait partie d’une région naturelle « la Vrancea>> où les razesi forment une masse compacte, organisée comme un Etat libre paysan, le seul qui ait pu se maintenir jusqu’au XIXe siècle, sans immixtion avec les villages de serfs.
Le tome premier commence par une description classique des villages de razesi; l’organisation de la population est symétrique à l’organisation territoriale. Le principe qui se dégage de l’organisation territoriale est un souci constant de partage égalitaire. Mais en faveur de qui furent faits ces partages? Quels furent les groupes humains qui avaient, lors de l’organisation du territoire, des droits égaux? Ce furent des groupes familiaux.
A chaque lot de terre correspond une « lignée ». Il n’existe pas de lignée sans terres ni, non plus, de terres sans lignées correspondantes. Ces diverses lignées existant dans un village, partagent leurs terres à chaque génération : on trace de nouveaux lots à l’intérieur des anciens en nombre égal à celui des enfants qui doivent être dotés. Les diverses branches de la lignée auront donc leurs correspondances dans les subdivisions du territoire.
Les paysans expliquent leur système de vie sociale par un appel à la théorie de la vie familiale : les lignées qui existent à l’intérieur du village descendent d’un seul ancêtre. Les historiens et les juristes roumains eux aussi soutiennent que c’est la descendance qui donne naissance au village de razesi. C’est cette explication, sur laquelle paysans et historiens sont d’accord, qui est mise en doute par l’auteur M. H. H. Stahl, professeur à l’Université de Bucarest.
«La théorie de l’origine biologique du village de razesi est illogique et ne peut être vérifiée, historiquement. A l’intérieur d’un village, il est absolument impossible d’expliquer pourquoi un seul descendant ayant à sa disposition de vastes terrains libres, partage des terres entre ses quelques fils. Le partage régulier des terres, selon un système général commun à des régions entières, est une opération absolument inutile, s’il ne s’agit que d’une population restreinte aux quelques fils d’un seul et même ancêtre. Il faut une densité assez grande de population pour qu’une pénurie relative de terres force les gens à partager leur territoire ».
Le partage des terres n’est donc pas un geste par lequel on crée un village que l’on suppose n’être formé que par un ancêtre et ses fils. Bien au contraire, le partage des terres est «l’oeuvre tardive d’un village constitué, ayant une forte population, organisée par groupes familiaux, sur la base d’une parfaite égalité, par une simulation des formes familiales habituelles ».
La monographie du village de Nerej a fourni la preuve des faits à l’appui de la thèse soutenue par M. H. H. Stahl; le village de Nerej est un village razesi particulièrement pur et archaïque; sa population n’est pas organisée en un groupe quelconque de lignées ; il existe encore moins une seule lignée unique pour le village tout entier ; les gens de Nerej ne croient pas à une descendance unique fut-elle fictive ; le système juridique du partage commun du village entier n’y est pas connu.
M. Stahl s’est demandé s’il faut considérer le village de Nerej comme un village aberrant, ou bien comme une étape antérieure au type classique généalogique.
« En ce cas comment pourrait-on expliquer le passage d’un village du type Nerej, communautaire de façon absolue, à un village communautaire généalogique? »
L’auteur propose une hypothèse qui lui servira comme instrument de travail dans ses recherches, hypothèse qui sera pleinement confirmée par la réalité. C’est un travail de véritable « archéologie sociale » qu’il entreprend. Mais nous sommes ici, au milieu du problème si peu connu, des rapports entre le processus de saturation démographique et les formes successives de possession de la terre dans la société agraire primitive.
M. Stahl distingue plusieurs phases du partage du patrimoine commun, qui sont conditionnées par l’accroissement de la densité de la population (le facteur technique restant constant):
a) la communauté absolue, c’est-à-dire la communauté où le droit de chaque membre ne consiste qu’en un usufruit illimité. Dans ce système, l’héritage n’existe pas comme institution juridique. Ce régime ne doit pas être confondu avec celui de l’indivision, car les membres participants ne possèdent aucun droit portant sur le fonds même. Ce n’est pas nécessaire; il y a trop peu d’hommes et la terre est en quantité pratiquement illimitée. Chacun prend de la terre tant qu’il veut et où il veut.
b) Quand la superficie libre commence à s’épuiser par le fait de l’accroissement de la population, on partage la terre en quotes-parts égales entre tous les groupes familiaux.
c) Lorsque les groupes sociaux atteignent un certain degré de densité et qu’il ne peuvent plus essaimer, chaque parcelle de terrain finit par constituer un élément générateur de luttes: on procède au partage de la terre en quotes-parts inégales, qui peut être non généalogique ou manifestement généalogique. Dans le premier cas, les critères peuvent être démographiques, économiques ou reposer sur la contribution aux charges communes. Les trois critères ont été utilisés par les commun autés de la Vrancea. Le partage généalogique a comme critère une lignée dépassant deux générations. L’importance des quotes-parts sera donc inversement proportionnelle au nombre des membres d’une branche par rapport à une autre. Plus un groupe sera nombreux, plus la part qui lui revient sera morcelée comparativement à celle des groupes de descendants plus pauvres en population. Par le simple jeu des naissances et des décès, certaines familles augmentent en population, alors que d’autres demeurent stationnaires ou décroissent. De là naît une différence de fortune entre les uns et les autres. La terre partagée — au début — également entre tous les groupes sociaux finit par constituer des parts inégales.
C’est ainsi que s’est fait le passage du type Nerej, communautaire de façon absolue, au village du type communautaire généalogique. Nerej est dans une étape antérieure au type classique du village de razesi. Cette monographie et les autres faites pendant plus de vingt ans de campagnes monographiques, dans toutes les régions de la Roumanie, ont apporté un matériel de grande nouveauté scientifique pour la sociologie rurale et l’histoire sociale du peuple roumain.
Vezi si:
http://sas.unibuc.ro/uploads_ro/1149/77/HHS39Nerej_I.pdf
http://sas.unibuc.ro/uploads_ro/1149/233/HHS39Nerej_II.pdf
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