Éditorial
Frédéric AUDREN
Les Études sociales, n° 153-154, 2011
Avec ce volume double, les Études sociales offrent à leurs lecteurs le tout premier dossier, dans une revue française, consacré à l’histoire de la sociologie roumaine. Les travaux existants, au reste peu nombreux, étaient jusqu’à présent dispersés[1]. Cette livraison des Études sociales constitue donc en soi un événement qui contribuera à faire connaître une aventure sociologique originale : l’École monographique de Bucarest initiée et animée par Dimitrie Gusti (1880-1955).
Centrées sur la première moitié du XXe siècle, les différentes contributions rassemblées, sous la direction de David Mihai Gaita et Zoltán Rostás – ce dernier étant un pionnier des études gustiennes – présentent les conceptions sociologi- ques de cette figure éminente des sciences sociales européennes, puis les succès et la part d’ombre de son école, ainsi que l’audience rencontrée par cette entreprise attachant la plus grande importance aux enquêtes monographiques. C’est naturellement sur ce terrain méthodologique que les relations avec le mouvement leplaysien – qui entretient des liens précoces avec la Roumanie – sont les plus manifestes. On décèle indubitablement un air de famille entre l’École de Le Play et l’École de Gusti, même si ce qui les distingue est profond.
À travers ce dossier consacré à Gusti et à son école, le présent volume des Études sociales rappelle l’importance des relations intellectuelles unissant la France et la Roumanie, le dialogue constant noué entre les deux pays. Sans bien sûr prétendre à l’exhaustivité, il souhaite introduire à une meilleure compréhension de l’histoire européenne des sciences sociales. Nous espérons que d’autres travaux suivront, approfondissant non seulement notre connaissance de l’École gustienne et de ses liens complexes avec son environnement politique et social, mais l’élargissant. En effet, on ne doit pas oublier que la sociologie roumaine ne se réduit pas à la seule École monographique de Bucarest, aussi réputée qu’elle soit. Dans l’avenir, des efforts devront aussi être entrepris pour mieux faire connaître à un public français et francophone la sociologie non gustienne.
Mais, dès à présent, notre revue est heureuse de pouvoir mettre en lumière la richesse d’une tradition sociologique qui conserve une actualité certaine.
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[1.] Quelques exemples : Mihai Dinu Ghe[o]rghiu, « La sociologie roumaine contemporaine », Actes de la recherche en sciences sociales, 1984, numéro 55, p. 68-70 ; Smaranda Mezei, « Famille et soli- darité dans une communauté villageoise roumaine : 1929-1989 », Actes des colloques de l’Association internationale des démographes de langue française, 1994, p. 463-473 ; surtout, Ioana Cîrstocea, « Splendeurs et misères d’un projet intellectuel : l’école monographique de Bucarest », Revue d’histoire sociale des sciences sociales, n° 16/2007, p. 33-56.
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